Pourquoi ça "crack" ? Comprendre le bruit lors d'une consultation d'ostéopathie

Lors d’une séance d’ostéopathie, il arrive fréquemment qu’un bruit de « crack » se fasse entendre au cours d’une manipulation articulaire. Ce phénomène, souvent impressionnant pour le patient, soulève de nombreuses questions et parfois même des inquiétudes. S'agit-il d’un signe d’efficacité du traitement ? Est-ce dangereux pour les articulations ? Pourquoi ce bruit survient-il ?

Dans cet article, nous allons explorer en détail le mécanisme du « crack » en ostéopathie, son rôle dans les techniques manipulatives et dissiper certains mythes qui l’entourent.

Chaque articulation est entourée d’une capsule articulaire, une membrane qui contient un fluide appelé liquide synovial. Ce liquide joue plusieurs rôles :

• il lubrifie les surfaces articulaires pour réduire les frottements,
• il nourrit le cartilage articulaire,
• il absorbe les chocs, aidant ainsi à protéger l’articulation des contraintes mécaniques.

Le liquide synovial contient des gaz dissous (essentiellement de l’oxygène, du dioxyde de carbone et de l’azote) qui interagissent avec les structures articulaires lors des mouvements.

Les techniques ostéopathiques peuvent être classées selon leur intensité, leur impact sur les tissus et la façon dont elles influencent la mobilité articulaire.

Les techniques manipulatives, appelées HVLA (High Velocity, Low Amplitude), sont des manœuvres à haute vélocité et faible amplitude. Elles consistent en une impulsion rapide et précise sur une articulation restreinte afin de restaurer sa mobilité. Ce type de manipulation peut provoquer un « crack », lié à la cavitation du liquide synovial comme vu précédemment. Elles sont principalement utilisées sur les articulations vertébrales, les sacro-iliaques et certaines articulations périphériques (poignet, cheville, doigts).  

Ces techniques sont indiquées en cas de blocages articulaires, de perte de mobilité locale ou de raideurs vertébrales (cervicales, dorsales, lombaires).  

En revanche, elles sont déconseillées chez les patients souffrant d’ostéoporose, de pathologies inflammatoires sévères, d’hernies discales avancées ou d’instabilité articulaire. Pour garantir la sécurité du patient, ces manipulations doivent être pratiquées par un professionnel qualifié, afin d’éviter toute tension excessive sur les structures environnantes.

Les techniques fonctionnelles en ostéopathie visent à travailler avec les tensions naturelles du corps plutôt que d’imposer une impulsion rapide. Leur objectif est de relâcher les tensions musculaires et tissulaires en favorisant l’autorégulation du corps. Plus douces que les techniques manipulatives, elles ne génèrent pas nécessairement de bruit et sont adaptées à toutes les zones du corps, y compris chez les patients plus fragiles comme les nourrissons, les femmes enceintes ou les personnes âgées.

Il existe différentes techniques fonctionnelles :

• les techniques myotensives ou MET (Muscle Energy Techniques) sollicitent une contraction musculaire douce suivie d’un relâchement progressif afin de favoriser la détente et la mobilité articulaire,
• les techniques de relâchement myofascial travaillent sur les fascias, qui sont les enveloppes des muscles et des organes, pour réduire les tensions globales et améliorer la mobilité des tissus,
• les techniques crâniennes sont principalement utilisées pour agir sur le système nerveux et soulager les tensions liées au stress, aux maux de tête ou aux troubles du sommeil,
• les techniques viscérales visent à améliorer la mobilité des organes internes et leurs interactions avec les structures environnantes, ce qui est particulièrement utile pour les troubles digestifs ou les douleurs abdominales.

Ces techniques sont particulièrement indiquées en cas de douleurs chroniques, de tensions musculaires diffuses, de troubles posturaux ou de troubles fonctionnels comme les troubles digestifs, les migraines ou le stress. Elles sont aussi recommandées pour les patients sensibles chez qui les techniques structurelles pourraient être trop invasives. Grâce à leur approche plus globale, elles permettent d’éviter le réflexe de défense musculaire qui peut parfois être déclenché par des manipulations plus directes. En favorisant un travail en douceur, elles aident le corps à retrouver son équilibre naturellement.

Les techniques ostéopathiques peuvent être comparées aux outils d’un artisan ou aux aiguilles d’une couturière. L’ostéopathe dispose d’un large éventail de méthodes et adapte son approche en fonction de chaque patient. Son choix dépend de plusieurs critères, notamment l’âge, l’état de santé, le motif de consultation et les préférences du patient. Il privilégiera des techniques douces pour les personnes fragiles et pourra opter pour des manipulations plus directes si cela est approprié. L’essentiel est d’assurer un traitement efficace et sécurisé, en respectant les besoins spécifiques de chacun.

Le bruit du « crack » en ostéopathie suscite de nombreuses réactions et croyances, parfois erronées. Certains patients l’associent systématiquement à une « remise en place » d’un os, tandis que d’autres redoutent un risque pour leur santé. Il est essentiel de démystifier ces idées reçues et de mieux comprendre les véritables implications du phénomène.

Comme expliqué dans cet article, le « crack » résulte du phénomène de cavitation et non d’un déplacement ou d’un réalignement osseux. Les structures osseuses sont solidement maintenues par des ligaments et des muscles puissants, ce qui empêche tout déplacement spontané.  

Une manipulation ostéopathique permet donc de restaurer la mobilité d’une articulation, mais ne remet pas un os en place.

Beaucoup de patients croient que l’efficacité d’une séance d’ostéopathie dépend du nombre et de l’intensité des « cracks ». Pourtant, une manipulation peut être tout aussi efficace sans produire de bruit.  

Il arrive que l’ostéopathe effectue un mouvement rapide, mais que l’articulation ne produise pas de « crack » car il peut ne pas y avoir suffisamment de gaz dans l’articulation pour créer un son, ou bien la tension du patient peut empêcher la cavitation. Cela ne signifie pas que la technique a échoué, car l’objectif reste d’envoyer un signal nerveux rapide au cerveau afin de restaurer la mobilité de l’articulation.  

L’objectif principal de l’ostéopathe est d’améliorer le bien-être du patient en facilitant la mobilité et en relâchant les tensions musculaires, sans que cela dépende du bruit produit lors des manipulations.

Le craquement des articulations n’indique pas nécessairement une douleur ou un problème de santé. Dans la majorité des cas, il s’agit simplement de la libération de gaz au sein de l’articulation, sans impact négatif. En revanche, si un craquement s’accompagne de douleur, cela peut être le signe d’une inflammation ou d’une blessure sous-jacente.

Beaucoup de patients croient que faire craquer volontairement leurs articulations, comme les doigts ou le cou, peut entraîner de l’arthrose ou d’autres problèmes articulaires. Cependant, des études scientifiques montrent que faire craquer ses doigts ne cause pas d’arthrose. En revanche, des manipulations répétées et forcées sur certaines zones, en particulier le cou, peuvent irriter les tissus environnants et entraîner des tensions musculaires chroniques. Ainsi, bien que le « crack » en lui-même ne soit pas dangereux, des manipulations excessives ou mal réalisées peuvent devenir problématiques. Il est donc crucial de consulter un ostéopathe bien formé, maîtrisant une large gamme de techniques adaptées à chaque situation, afin de garantir une prise en charge sécuritaire et efficace.

Le « crack » en ostéopathie est un phénomène naturel lié à la cavitation articulaire, et non à un déplacement osseux. Son absence n’indique pas l’inefficacité d’une manipulation, et il ne doit pas être recherché à tout prix. Les techniques ostéopathiques sont variées et s’adaptent aux besoins spécifiques de chaque patient, avec une attention particulière aux contre-indications. Une information claire et une éducation des patients sont essentielles pour dissiper les idées reçues et rassurer sur la sécurité des manipulations. L’important reste l’amélioration du bien-être et de la mobilité, indépendamment du bruit produit lors des soins.